J'adresse un sourire qui se veut rassurant à Candice, nous préparant deux petits rails en essayant de ne pas en foutre partout. Mes mains tremblent. « J'te jure, c'est pas du sucre celle-là... M'a assuré qu'elle était quasi pure.. » J'vois à son sourcil dubitatif qu'elle n'est pas convaincue. Fais-moi un peu confiance, salope de mon cœur. On sort tous deux nos stylos, animaux sauvages évidés pour mieux nous envoyer dans nos paradis d'écorchés... Et on sniffe, on sniffe cette putain opalescente qui s'envole dans nos sinus éventrés, nous lacérant un peu plus encore.. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour améliorer le décor. On se redresse brutalement, comme deux poupées dont on viendrait de remonter la clé. Take a hit... Be somebody, baby. Orgasme infect et divin. Je n'en veux plus mais j'en redemande. Le monde est retracé au vitriol, à l'acide. Mon nez m'fait mal, putain. Déjà? Déjà. Coup d’œil au miroir, je rajuste ma jupe trop courte, arrange deux trois mèches et, essuie au passage une narine qui s'est remise à couler. Bordel de merde. J'ai du sang plein les mains. « Bon tu te magnes le cul ou quoi? J'ai pas envie de rester dans ces chiottes toute la nuit... » Sans plus de cérémonie, elle m'attrape la main et nous revoilà au milieu de la foule, qui nous étreint, qui se presse... Les deux putains se déhanchent indécemment, mouvant leurs cadavres fiévreux au milieu des vivants. Nos cheveux blonds volent, déchirant le vide qui se crée par instant autour de nos deux corps brûlants, nous accordant des auréoles de saintes dépravées. Notre puante luxure attire les mâles, pauvres animaux sanglés dans leurs instincts méprisables. Ta langue dans ma bouche, la mienne dans la tienne, regarde-les bander, ma putain adorée. Regarde-les ramper, regarde-les encore, encore jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus de tant d'efforts. Alors, seulement, nous pourrons nous abandonner dans leurs bras éreintés, savourant la voluptueuse saveur de cette victoire arrachée..

[…] Les basses font vibrer chaque parcelle de mon être, m'ordonnant de bouger, bouger jusqu'à s'effondrer. Le brun me serre un peu plus contre lui. Il se met à lécher obscènement une goutte du sueur qui s'était attardée près de mon lobe. J'y vois une invitation pour l'embrasser, le mordre, le frustrer. Et peut-être même vomir entre ses lèvres. Si il savait ce qui se cache entre mes cuisses... Si il savait ce que je suis.. Aurait-il envie de me sauter ainsi? All mad tonight... And it scares me. Je cherche soudain ma blonde des yeux, ne la trouvant nulle part. Bouffée de conscience à travers les brumes de mon cerveau anémié... Candice. Je lâche soudain ma prise du soir, m'arrachant de ses bras pour rallier les chiottes. Bordel. J'sais plus où j'en suis, je souris, ris, ai envie de gerber et de pleurer, j'veux ma Candice. La panique m'étouffe soudainement. Un mec m'aborde, un étranger? Aucune idée. Il me débite sa drague minable dans un langage inconnu. Français, espagnol, portugais? Belge, allemand? Ou peut-être français. I'm scared. Nouveau sourire, une main pour se rattraper au mur, un refus poli, le tout baragouiné dans un anglais que je ne comprend pas moi-même. Candice, bordel, Candice. Le sol semble vouloir s'ouvrir sous mes pieds, gouffre béant dans lequel j'aurais vite fait de tomber. Candice. Men's toilets. Elle va toujours dans les toilettes des hommes. Moins de monde. Oui, c'est ça. J'pousse la porte, évitant de croiser le regard du miroir. Odeur infecte. Mélange de fluides divers, étalés sur les murs. Bordel, j'vais gerber. « Candice..? » Mon cœur bat trop vite. Mes doigts aux ongles noirs se pressent pour ouvrir les cabines aux battants défoncés, aux murs taggués. « Candice! Répond si t'es là putain de merde! ». La porte heurte un truc mou. Des talons rouges pétasses se sont échoués à l'entrée. Dans les talons, des pieds. Des pieds aux ongles vernis. Comme Candice. Des pieds qui appartiennent à des jambes. Des jambes qui appartiennent à un corps qui ne bouge pas. Un corps dont le visage semble avoir rencontré plutôt violemment le mur. Ouais, un visage éclaté contre les fausses briques. Un haut le cœur me prend soudainement et je gerbe sur son cadavre aux yeux morts, répandant ma bile âcre un peu partout. Bordel. J'me laisse glisser sur le sol, n'ayant même plus la force de bouger, m'effondrant dans cette fange immonde, serrant posséssivement son corps, mordant son cuir pour ne pas hurler. Mais peu importe, la musique couvrirait mon cri d'écorchée. À quand mon tour? Une pute comme une autre, à la vie balayée par un accès de rage incontrôlé. J'sais bien qu'un jour, ça ne s'arrêtera pas à un ravalement de façade en règle. J'finirais comme elle, la boite crânienne ouverte sur la chaussée. I'm scared. Don't. J'irais cracher sur le cadavre de son meurtrier. J'irais lui écraser les couilles jusqu'à ce que ses cordes vocales soient éclatées. J'irais lui couper la queue pour mieux la lui faire bouffer. Je ferais tout ça avec une patience méthodique et froide. J'prendrais mon pied à le regarder me supplier. À ramper. Pour lui et pour tous les chiens qui ont crucifiés nos rêves. I hate this life.