Si vous vous attendez à un début d’histoire à la Vampire Diaries ou l’autre brune écrit dans son journal, c’est raté. Nahlà esquisse un sourire narquois. Non, écrire, c’est pas son truc. Elle froisse la feuille et la jette dans la poubelle, à l’autre bout de sa chambre, marquant un fulgurant panier digne de la coupe du monde de NBA. Une future championne, j’vous dit ! Ca, c’est ce que son esprit expectait. En revanche, la réalité, c’est que le papier est tombé lamentablement à cinq centimètres de la poubelle.
Foutue écriture.
Jensen ne ressent pas le besoin d’écrire. Elle n’a rien à dire. Que raconterait-elle dans un journal ? Ses beuveries, ses fêtes, son courage inconscient ? A qui cela profiterait ? Non, elle n’est pas faite pour écrire.

Santa Fe, c’est autre chose que Nashville. Déjà, c’est une ville. (Nashville aussi, mais c’est plus … oh zut, on vous a pas demandé votre avis, alors chut !) Et c’est grand. On peut perdre ses points de repère tout ça, mais on pense pas que ça peut nous faire recommencer une vie. C’est pourtant ce qui s’est passé. Nahlà l’ignore. Mais parfois, croisant un jeune homme dans la rue, il lui arrive de se retourner, de perdre son sourire éclatant, et d’avoir le regard vague de quelqu’un plongé dans ses pensées. Cet homme, ses prunelles, son regard… Serait-ce quelqu’un qu’elle connait ? Non, elle ne l’a jamais vu, pourtant … pourtant son cœur se réchauffe lorsqu’il passa près d’elle. Elle ignore que cet homme, avant son arrivée ici, était son frère. De petits flashs, ce n’est pas grand-chose, mais c’est assez pour perturber Blondie. Déboussolée, parfois, sa bonne humeur s’envole et elle se met à ruminer, à se demander ce que tout ça signifie. Si elle n’en a pas parlé, cela ne saurait tarder. Jensen n’est pas de nature peureuse, et ce que les gens pensent d’elle, elle s’en fiche pas mal. Ils la prennent déjà pour une tarée, alors, pourquoi pas pour une paranoïaque ?

Il n’y avait rien qu’elle aurait voulu changer dans son ancienne vie, et ce sentiment de déjà vu est insupportable. Elle n’a jamais aimé ne rien pouvoir faire, être impuissante, et c’est exactement ce qu’elle est en ce moment. Elle ne sait pas quoi faire. Nul doute qu’elle ne tardera pas à parler, elle en éprouvera le besoin. Mais elle ne se cesse de se répéter qu’elle n’a aucun frère, qu’elle n’a que ses parents … et pourtant. Cette fille, là, lui rappelle quelqu’un de brièvement connu, comme un souvenir lointain embrumé. Et en attendant, elle continue à vivre, ayant intégré l’université de cinéma, en tant qu’étudiante en réalisation. Elle ne sait pas si c’est là sa destinée, quoiqu’il en soit, elle est encore jeune, elle a le temps.

Nashville. La ville de la musique country. Oui mais la country, c’est le truc des campagnards, et si Jensen est certes née dans une ferme, elle ne se considère pas comme telle. Ah, autant vous avertir de suite ; elle a six frères, et elle est la dernière née de la famille. Et ce n’est pas parce qu’elle est une fille qu’elle est mise de côté. Bien au contraire.
Jensen, c’est la fille qui a toujours un sourire accroché sur ses lèvres, celle qui n’arrête jamais de sourire pour tout et rien. Au lycée, elle était très populaire, et pas parce qu’elle était jolie, mais parce qu’elle était réputée pour ses nombreuses farces et blagues (parfois vaseuses) ainsi que ses fêtes mémorables. Fêtarde dans l’âme, elle prenait grand soin de trouver des endroit insolites ou organiser toutes sortes de fêtes, la dernière en date étant celle organisée pour l’âne de sa meilleure amie … enfin bref. Jensen est dotée d’une imagination particulièrement fertile dans ses sujets là. En revanche, au niveau études … ben ça suit pas. Elle n’aime pas l’école, elle n’aime pas rester statique à ne rien faire, pour elle, c’est du temps perdu. Si Jen est une fille adorable, je vous met toutefois en garde. La demoiselle est assez susceptible. Tentez de lui faire le moindre mal, vous risquez d’en pâtir sévèrement. « chiquenaude pour apocalypse. » telle est sa devise. Sa rancœur n’a d’égale que son imagination. Têtue, bornée, elle campe sur ses positions comme un soldat en pleine guerre. Et lorsqu’elle sort les armes, ce n’est pas la mitraillette, mais bien le lance-roquettes … ‘Gaffe à vos fesses, elles pourraient êtres roussies. Ah, aussi, Jen n’est pas le soldat qui reste derrière les tranchées, oh ça non, c’est le suicidaire, là, devant les lignes ennemis, qui les nargues en attendant de se faire canarder. Une véritable tornade ambulante. Car Nahlà, du courage, elle en a, et cela frôle parfois l’inconscience pure. Ses frères eux-mêmes lui ont toujours dit qu’elle était une tarée. Et elle est fière, d’être une tarée.

Alors que les autres filles jouaient à la poupée, Jensen, elle, empruntait les jouets de ses frères, les cachant dans leur ferme, puis détalant lorsqu’ils arrivaient pour la gronder. Une fois même, elle avait dissimulé la playstation dans la grange, parmi les bottes de foin… l’après-midi même, son père les avaient déplacés, et il n’avait pas remarqué la console, bien entendu. Quand, ses frères ne parvenant pas à mettre la main dessus, mirent la main sur la jeune fille, elle joua parfaitement la comédie. Il la tenaient à trois, et la torturaient à force de chatouilles. « dis-nous ou elle est » sifflait son frère en colère, et elle de rire de plus belle. « cachée. » rétorquait-elle un sourire malin sur le visage. Sous ses éclats de rire, ils ne purent jamais rien lui soutirer. Ce n’est que quelque jours plus tard, que l’un des employés du ranch retrouva la console, pleine de paille, saccagée, dans l’un des boxes des chevaux. La colère de ses frères avait été si grande que Jensen les avait évités pendant plusieurs jours. Elle avait juste voulu leur faire une farce, et n’avait pas voulu que leur console soit détruire par un imbécile de bourrin. Comme quoi, ses farces ne finissaient pas toujours très bien.

Lorsque Jensen eut seize ans, ils déménagèrent, vendant la ferme sur le bord de la faillite. Si dans la famille, les tensions se faisaient parfois ressentir, Jensen faisait semblant de ne rien voir, et continuait à faire sourire ses parents et ses frères. Elle avait fini par gagner leur admiration au fil des années, et, désormais, lorsqu’elle préparait un mauvais coup, ils étaient généralement fourrés avec elle. Comme la fois ou son petit ami l’avait trompé avec une de ses amies. Le garçon avait eu beau s’expliquer, Jen avait refusé de l’entendre. Et elle avait crié à la vengeance. Le pauvre type avait été humilié devant tout le lycée, des photos compromettantes de lui ayant circulé… et le sourire triomphant de Nahlà chaque jour devant lui valait tous les trophées du monde.