Il était déjà neuf heures du soir quand je rentrai chez moi. Je me dépêchai de franchir la porte d’entrée, mes clés tintèrent quand je la refermai derrière moi. Il était là évidemment, il m’attendait. J’avais promis à Meeko de rentrer tôt, il détestait manger aussi tard. Je lui fis un sourire désolé, à la manière d’un enfant, puis me dirigeai vers la cuisine. Il me suivait de près et surveillait les opérations. Je remplis sa gamelle puis la posai près du radiateur, à sa place habituelle. Les ronronnements de Meek voulaient dire qu’il me pardonnait, du moins pour cette fois. Ma voisine me prend pour une folle, d’après elle ce n’est pas normal de traiter un chat comme un humain. Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que Koko et moi, on s’aime plus que tout. Il y a maintenant cinq ans que je l’ai recueilli. On venait d’arriver à Santa Fe, mes parents et moi, et alors qu’on déchargeait un camion, j’ai remarqué une toute petite ombre au coin de la rue. Je me suis approchée et j’ai vu ce tout petit chaton, recroquevillé sur lui-même. Je pensais qu’il était blessé mais il ne faisait que dormir et m’a griffé le visage quand j’ai voulu le caresser. Je l’ai de suite adoré. A la place de s’enfuir, il m’a suivie mais sans se laisser approcher. J’ai du attendre deux longs mois avant de pouvoir lui gratter l’oreille. A partir du moment où Koko m’a laissée l’apprivoiser, j’ai ressenti le besoin de l’avoir toujours près de moi. C’est étrange mais j’ai parfois l’impression qu’il comble un manque. Oui voilà, j’ai de temps à autres, la désagréable impression qu’il me manque quelque chose au niveau affectif. Pourtant, je n’ai jamais manqué de rien et mes parents ont toujours pris soin de moi. Je suis née à Londres et j’ai grandi dans les quartiers modestes de la capitale. Ma mère est avocate et a toujours bien gagné sa vie mais pas au point d’emménager dans un endroit plus luxueux. Quant à mon père, il enchaîne les boulots minables parce qu’il n’a jamais réussi à trouver sa voie. Heureusement qu’il s’est marié avec ma mère, tout seul il n’aurait jamais survécu. Comme il avait souvent de longues périodes de chômage, il restait à la maison. Dans ces périodes-là, on se rapprochait énormément. J’ai donc des parents merveilleux qui m’aiment et que j’aime tout autant. A l’école, j’étais plus douée pour sécher les cours que pour y avoir d’excellentes notes. Ce doit être pour ça que je n’ai pas fait d’études après les années obligatoires. Comme mon père, je suis incapable de trouver ma propre voie. J’aime tout, je veux tout découvrir, toucher à tout. Je n’arrive pas à me concentrer sur un seul domaine alors je teste tous ce que je peux. En ce moment, je suis serveuse. Le mois dernier, je vendais des cd et dvd. Ma mère voit d’un très mauvais œil ces petits jobs et veut que je reprenne des études, mais lesquelles ? Mon père, lui, est plutôt embarrassé. Il est du même avis que ma mère mais ne peut rien dire étant donné qu’il a fait pareil. De toute façon, ils sont retournés vivre à Londres il y a quelques semaines. On était venu ici à cause de ma mère qui avait toujours rêve de vivre dans cette partie du globe mais elle n’a pas réussi à s’adapter. Mon père non plus et c’est avec joie qu’il a refait des cartons. Moi, je suis restée. J’aime cette vie loin de l’Angleterre où il fait toujours gris. J’aime mon Meeko et j’aime par-dessus tout ne pas savoir ce que demain me réserve. Je ne suis pas dans une situation très stable, ma voisine essaye de me donner la réputation d’une folle, je ne roule pas sur l’or et j’enchaîne des aventures sans lendemain. Ça, c’est pour éviter de penser au garçon du premier, un certain Chris. Il me met mal à l’aise, comme s’il pouvait menacer mon bonheur naissant.

Je suis née à Londres et j’ai grandis dans les quartiers chics de la capitale. Ma mère est morte d’un cancer, deux ans après avoir mis au monde ma petite sœur. Julia, mon petit trésor. Je ferai n’importe quoi pour ma sœur, elle est tout pour moi. Quand on était plus petites, elle me collait tout le temps. Mon père nous appelait la famille poussin pour rigoler et nous, on aimait ça parce que c’était rare qu’il rigole. A la mort de ma mère, il avait du se trouver un job qui payait mieux pour nous faire vivre. Il détestait ce travail, un truc d’entreprise, mais il fallait bien qu’il le fasse. Il rentrait souvent tard alors j’ai du apprendre à m’occuper de la maison et de Julia. Je voulais qu’il soit fier de moi. A l’école, je travaillais très bien, j’étais la meilleure. Je voulais faire de bonnes études pour bien gagner ma vie tout en faisant quelque chose que j’aime. Pas comme mon père. Ma mère avait touché un très bon héritage peu après son mariage et elle l’avait utilisé pour s’acheter une magnifique maison. Elle n’a pas pu en profiter très longtemps et c’est tout ce qu’il nous est resté d’elle à sa mort. Une très grande maison, beaucoup trop grande pour un homme malheureux et deux enfants. En grandissant, Julia ne s’est pas détachée de moi, au contraire. Ma petite sœur et moi, on a toujours été les meilleures amies du monde et on a toujours tout partagé. Alors, quand elle a voulu aller étudier en internat, la séparation a été très difficile. Pendant son absence, j’étais perdue dans cette immense maison londonienne et passait le plus clair de mon temps à tourner en rond. Jusqu’à ce qu’un nouveau voisin emménage. J’ai évidemment été me présenter, seule puisque Julia n’était plus là et mon père, comme d’habitude, était au travail. C’est le fils unique de ce couple de bourgeois qui m’ouvrit la porte. Il n’avait rien de spécial mais quelque chose chez lui me mit directement à l’aise, comme s’il allait me faire retrouver une petite part de bonheur. Il s’appelait Chris. On s’est très vite bien entendu et je le considérais comme mon meilleur ami. Mais nos sentiments n’ont pas évolué de la même façon, il ne voyait pas les choses comme moi. Quand je m’en suis rendue compte, je l’ai évité un maximum sans pour autant arrêter de penser à lui. Il cherchait à me voir et je restais cloitrée dans ma grande maison. Ça a duré plusieurs mois. C’est le retour de Julia qui chamboula les événements. Elle avait pris en assurance, elle était devenue complètement indépendante et nos retrouvailles n’ont rien eu à voir avec celles que j’avais imaginés si souvent. Une simple bise et un comment ça va. Comme si j’étais n’importe qui. Ma déception laissa place à la colère et une grosse dispute éclata entre nous. Elle me reprochait de l’avoir étouffée toutes ces années, de l’avoir empêchée de grandir. J’étais en train de me prendre de grosses claques et à partir de ce jour, je ressentis un grand manque dans ma vie que je tentais de combler avec tout et n’importe quoi. Cet immense changement me fit oublier les derniers mois que j’avais passés à ignorer le voisin. Je décidai d’enterrer la hache de guerre et de laisser faire les choses. On est sortis ensemble pendant presque un an. Je n’étais pas amoureuse mais j’aimais bien rester avec lui. On s’est séparé quand ses parents ont du déménager pour leur travail. Mais on restait quand même en contact et je profitais de cette absence forcée pour essayer d’améliorer les choses entre Julia et moi. Je pouvais me faire croire tout ce que je voulais, j’avais besoin d’elle.